Quelques poèmes sur les arbres

Voici les poèmes lus lors de la manifestation pour défendre le Grand Chêne, le 7 décembre 2024 – Ce sont des poèmes de Jean Lavoué (1955-2024), qu’on peut retrouver sur son blog L’enfance des arbres

J’ai demandé à l’arbre ce matin
De m’aider à ciseler un poème
Il m’a d’abord parlé du vent
Au souffle imprévisible 
Puis de l’hiver quand seules les branches nues
Fouaillent en vain le ciel
Et encore de la sève dont la nuit silencieuse
Irrigue tous les mots
Puis il s’est tu longuement
Me laissant supposer un obscur travail de racines
Et c’est alors que j’ai cru sentir Sous l’écorce de mes doigts
Percer le premier bourgeon
Et s’envoler l’oiseau dont le chant 
Annonçait déjà le printemps.
Jean Lavoué – 28 décembre 2022

Comme l’arbre au printemps,
Tu gardes en toi
Les cicatrices de l’hiver. 
Ton chant n’a rien oublié
Des terres jonchées de feuilles. 
Des gels et des orages,
La peau de tes mots conserve
Une entaille inconsolable. 
Pourtant l’espérance y surgit
De saisons désolées. 
Dès les premières fleurs
Tu reconnais entre les branches
Tes couleurs familières. 
Déchirant l’écorce,
Une force rassurante s’allie
Au silence des racines. 
C’est ainsi que tu t’assures
Une nouvelle fois
Du triomphe de la vie. 
La sève du poème Signe en toi
La persistance de la joie. 
Jean Lavoué – 20 mars 2021

Chaque arbre qui brûle
Est le témoin blessé
De notre commune fragilité.
Le protéger,
C’est prendre soin de nous-mêmes
Et de notre avenir.
Toute vie souffre avec ces milliers
De nids d’insectes et d’oiseaux,
Ces innombrables couchettes de chevreuils,
Calcinés.
Aurons-nous apporté aujourd’hui
Les quelques gouttes précieuses et nécessaires
Pour éteindre partout l’incendie,
Accompli notre part du colibri ?
Les rares mots
Tirés du puits de nos silences
Auront-ils le goût des larmes
Pour consoler ?
Ce n’est pas seulement notre maison qui brûle
Mais c’est le plus intime de nous-mêmes,
Cela qui grandit avec nous
Et dont nous ne sommes pas séparés.
Quand prendrons-nous le temps
De contempler l’écorce de nos compagnons d’infortune,
D’écouter leur murmure,
Plutôt que de rouler à tombeau ouvert,
Seuls, vers notre démesure
Et notre nuit ?
Jean Lavoué, 12 août 2022

Comme l’arbre 
Tu apprends à faire silence
A faire corps 
Avec l’hiver  
A ne pas te hâter 
De fleurir 
A te retirer parfois 
Sous l’écorce 
Dans l’attente  
Des bourgeons à venir
Jean Lavoué – 7 janvier 2020


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